La « Messe des Morts » de François-Joseph GOSSEC (1734-1829)
Édition établie par Jacques CHARPENTIER d'après le texte publié en 1774.
Une oeuvre d'une durée d'une heure et demie pour choeurs à 4 voix mixtes, solistes et orchestre symphonique.
Les Éditions A Coeur Joie publient la version créée à Paris en mai 1760.
Un monument musical retrouvé
En 1989, année de la célébration du bicentenaire de la Révolution Française, grâce en très grande partie à l’exécution des œuvres de circonstance écrites durant la dernière décennie du XVIIIè siècle, Gossec a été redécouvert, chanté. Son abondante contribution à ce genre musical ne doit pas cacher son génie qui fleurit ailleurs, en particulier dans ses symphonies – dont la majorité est encore ignorée – et surtout dans sa « Messe des Morts », écrite en 1760.
Cette partition fait l’objet d’une publication en 1774. Deux manuscrits plus tardifs datent des années 1813-1814, versions proches qui cependant présentent des variantes importantes, voire des moutures totalement nouvelles pour certains mouvements, en particulier la fugue finale.
Un chef d’œuvre de la musique européenne
Lorsque Gossec créa sa « Messe des Morts » en mai 1760, à l’église des Jacobins à Paris, Rameau a encore 4 années à vivre, Mozart a quatre ans et Paris ne connaît pas encore Glück. Cette œuvre, à l’époque sans précédent, est sans conteste l’un des grands chefs d’œuvre de la musique européenne de son temps. Tout y est neuf. L’usage intensif du chromatisme rend la facture musicale très expressive, parfois violente, toujours contrastée.
Les airs solistes utilisent un large ambitus et laissent exprimer un lyrisme intense, la prosodie latine est toujours et partout respectée.
L’écriture des chœurs, loin d’être académique, est toujours traversée d’une vie rythmique et mélodique intense. Les trouvailles harmoniques foisonnent et sa science autant qu’une attitude de totale liberté du contrepoint s’épanouit notamment dans les trois grandes fugues de l’œuvre.
Enfin, son orchestre sonne avec trente ans d’avance. Gossec n’instrumente pas, il orchestre réellement. Le choix des timbres n’est jamais formel ni gratuit, et l’indépendance des instruments à vent est une grande innovation.
De nombreuses similitudes avec le Requiem de Mozart peuvent être relevées. Mozart eut l’occasion d’écouter à Paris la « Messe des Morts » de Gossec et fut profondément impressionné. Mozart, très jeune encore et dès 1764, rencontra d’ailleurs Gossec qui passait alors pour l’un des premiers symphonistes d’Europe. L’étude des deux « Requiem » présente une filiation évidente ; le « Recordare » de Mozart s’inspire du « Lacrymosa » de Gossec, surtout dans les quarante dernières mesures ; « Oro supplex » de Mozart peut être rapproché de « Judicandus » de Gossec ; le récitatif du ténor « Vado et non revertar » est étonnamment prophétique du « Lacrymosa » de Mozart.
La « Messe des Morts » est bien proche du classicisme mais il n’est interdit d’affirmer que ce chef d’œuvre, injustement méconnu, annonçait l’avenir.
Biographie :
François-Joseph GOSSEC naît en 1734 à Vergnies, petit village alors français, mais aujourd’hui situé dans le Hainault belge. Fils de fermier, il reçoit sa formation musicale notamment à la maîtrise de Notre-Dame d’Anvers. En 1751, Rameau le fait entrer comme chef d’orchestre chez le Fermier général La Pouplinière ; il passera ensuite au service du Prince de Condé puis du Prince de Conti. Il sera du côté des révolutionnaires et écrira de nombreuses œuvres de circonstance pendant cette période. Il sera l’un des premiers musiciens décoré de l’ordre de la Légion d’Honneur par Napoléon. Il meurt en 1829 à 95 ans.